« Je suis née d'une regrettable erreur de jugement. C'est triste, et pourtant, c'est comme ça. Lorsque ma mère est tombée enceinte de moi, elle n'avait que dix-sept ans. Dix-sept petites années. Je me mets à sa place, et tente de me convaincre que j'aurais fait comme elle, si ça avait été moi. Je serai partie, en laissant un enfant à des gens compétent pour l'élever.
Oui, je pense que c'est ce que j'aurais fait. En revanche, je n'aurais sans doute pas décidé de réapparaitre dans la vie de cet enfant après quinze ans d'absence, n'aurait pas tenté de la reprendre à ses parents adoptifs, et n'aurais sans doute pas fini par sauter d'un pont dans une eau à 5°. Non, sans doute aurais-je essayé de limiter mes erreurs à la première, l'originale. »
Je suis née par une petite nuit de décembre 1988, il y a un peu plus de vingt ans. C'était une naissance banale, douloureuse mais schématique. A la différence près que, contrairement aux autres enfants, je suis née sous X, pour être adoptée quelques heures après ma naissance.
Le couple qui me recueillit était adorable. Lauren & James Stevens avaient tout des époux modèles, de ceux qu'on voit dans les belles publicités pour ces maison parfaites que l'on vous vend à la télévision. J'ai eu de la chance dans mon malheur en trouvant une famille qui prenait autant soin de moi je dois dire.
J'ai grandi dans l'ignorance totale que j'avais été adopté. Nous habitions déjà Capeside à l'époque, la même maison que celle où vivent mes parents encore aujourd'hui. J'étais bâtie dans le moule de la ville ; une jeune fille sérieuse, travailleuse et qui aimait s'amuser en toute discrètion. A l'âge de treize ans, je connus mon premier garçon, à quinze ans je n'étais plus vierge ; la vie normale qui se déroulait dans un cycle paisible.
Et puis un jour, elle frappa. C'était un soir pluvieux, j'étais dans ma chambre, en train de m'activer de faire mes devoirs pour rejoindre un groupe d'amis qui avait prévu de regarder un film. Quand on avait frapper, personne n'avait été ouvrir ; j'avais été obligé de m'arracher à mon anglais pour y aller.
C'était une grande femme blonde, assez jolie, et plutôt jeunette. Elle me dit immédiatement l'effet d'une fille vulgaire, trainant dans des endroits pas très fréquentables, gagnant sa vie dans des affaires louches. Pourtant, malgré ça, j'admirai sa gentillesse sans fin. Elle parlait d'une voix lente et chantante, poncutait ses phrases de rires niais et légers, dans l'espoir, sans doute, de me mettre à l'aise. Elle m'avait saluée, avait attendu que je l'invite à entrer, et puis d'un coup, comme ça, elle m'avait raconté. Je suis ta mère, Poppy, je suis ta mère.
Et mon monde s'était effondré.
Non pas parce que j'avais subit un gros choc ; j'aurais tout à fait pu m'en remettre. Simplement parce qu'en gagnant une mère, j'avais aussi hérité d'un bon nombre de difficultés et de problèmes qu'une gamine de quinze ans aurait préféré ne pas avoir. Tout d'abord, ma mère tenait absolument à être exclusive. Elle me voulait pour elle seule. Ensuite, c'était une gamine finie et incapable de montrer de compassion ou de jugeote. Sans parler de sa relation passionnelle avec la drogue et tout ce qui n'était pas très recommandable.
J'étais à l'origine du procès. J'avais demandé à mes parents adoptifs de faire en sorte que cette femme sorte de ma vie ; je ne voulais pas pour autant que je voulais qu'elle mette fin à sa vie.
Je me sens responsable, évidemment. Mais ça n'arrangera rien, alors je vis avec. Je ne suis pas triste, juste résolue et un peu flippée. Enfin, bref.
J'habite toujours à Capeside, mais je ne suis plus d'études ; je suis serveuse dans un des bars. Certains de mes anciens amis de classe, que je croise à l'occasion, me demande ce que je deviens, pourquoi j'ai arrêté d'aller en cours, moi qui était si prometteuse. Alors, je rigole doucement, en me disant que la vie vaut bien la peine d'être vécue, quand on a de la chance. Et je considère que j'en ai ; même si mon métier n'est pas fringant, et même si je ne finirais sans doute pas richissime.
Parfois cependant, je regrette de ne pas être partie faire des études un peu plus loin, comme je voulais le faire, de ne pas avoir voyagé. Mais je préfère rester là pour mes parents, je verrais avec ma propre vie un peu plus tard.